Copyright : Delphine Bucher/Dernière Chance éditions.

Joe R. Lansdale
Raconte-moi une histoire…

Auteur d’une œuvre protéiforme où se croisent et s’entremêlent parfois noir, thriller, science-fiction ou horreur à travers des romans ou des comics, Joe Lansdale est une des grandes voix de la littérature de genre. Cet écrivain éclectique est aussi et peut-être surtout considéré comme un très grand conteur. Comment devient-on Joe Lansdale ? C’est la question à laquelle on essaiera de répondre dans cet entretien où l’on évoquera les influences et plus particulièrement l’œuvre noire de ce texan qui, avec un talent égal, sait nous embarquer dans des mondes si différents.

Copyright : Delphine Bucher/Dernière Chance éditions.


Librairie centrale de Nacogdoches. été 2019. DR L. Pion

On sait que vous êtes Texan, que vous avez exercé un certain nombre de métiers avant de vous consacrer à l’écriture et, en lisant vos livres, on voit aussi que l’enfance tient une place importante dans votre œuvre. Pouvez-vous nous parler un peu de la vôtre ?

Je suis né et j’ai grandi dans l’est du Texas. Mes parents étaient pauvres. On grattait les fonds de tiroirs. Nous nous sommes toujours considérés comme fauchés, pas pauvres, ce qui est une façon de dire en Amérique qu’on est pour le moment sans argent.  A toutes fins utiles : mon père était analphabète. Ma mère était une lectrice, elle aimait les livres. Les bandes dessinées me captivaient quand j’étais très jeune, et j’ai essayé d’en écrire et d’en dessiner. Mon coup de crayon n’était pas très bon, mais j’avais un certain talent pour la narration, et j’adorais ça.

Plus grand, j’ai travaillé dans les champs, plantant des pommes de terre, travaillant dans des champs de roses. Il ne s’agissait pas de cueillir des roses, il s’agissait de les cultiver et d’aider à les charger sur des camions. J’ai travaillé à plein temps en 1981. C’était mon dernier job en dehors de l’écriture. J’ai écrit quelques articles, commencé à publier de la fiction. J’étais père au foyer et ma femme tenait le standard chez les pompiers. L’écriture est devenue rentable et ma femme a travaillé pour moi. Depuis, nous travaillons ensemble.

Vous êtes considéré comme un grand conteur. On peut lire vos livres à haute voix et on a l’impression de se retrouver au coin du feu à écouter une histoire. Y a-t-il, dans votre famille, une tradition du récit oral ?

Oui ! Quand j’étais enfant, nous nous réunissions chez ma grand-mère. Après le dîner, nous nous installions sur des chaises ou sur l’herbe, près d’un arbre pour écouter des histoires. Mon père était un formidable conteur. Alors, pendant que les autres enfants, mes cousins, chassaient les insectes, je m’asseyais et je l’écoutais. Ma grand-mère disait qu’elle avait vu le spectacle « Wild West » de Buffalo Bill quand elle était jeune, elle était née dans les années 1880. Elle racontait des histoires de fantômes et des contes étranges, tous prétendument vrais. Je m’en fichais si toutes ces histoires étaient vraies ou non. Celle de Buffalo Bill était vraie. Ma grand-mère avait vécu de l’époque de Buffalo Bill à celle des hommes qui atterrissent sur la lune. Mon père est né en 1909. Twain était toujours en vie. Bat Masterson, Annie Oakley, Wyatt Earp, etc. Lui et ma mère parlaient de la Grande Dépression, mes oncles de la Seconde Guerre mondiale durant laquelle ils avaient servi. C’était une excellente formation pour moi. Un mélange d’histoires vraies, de légendes, d’histoires de fantômes et d‘horreur. Mon père voyageait dans les trains de marchandises pendant la Grande Dépression. Il boxait et luttait dans des foires pour de l’argent ou pour le plaisir. Il a fait toutes sortes de petits boulots et il est devenu mécanicien. Ma mère lui avait acheté une vieille voiture. Il devait la démonter et la remonter jusqu’à ce qu’il puisse le faire les yeux bandés. C’est ainsi qu’il a appris à travailler sur les voitures. Mon frère avait dix-sept ans de plus que moi. Quand je suis né, mon père était dans sa quarantaine et ma mère était dans sa trentaine. J’ai eu une très bonne éducation. J’ai lu. J’ai appris la boxe, la lutte, et plus tard les arts martiaux. J’ai commencé à écrire à onze ans, et je continue toujours.  Mais avec ce virus qui a tout gâché, je donne des cours privés. Bref, j’ai rencontré des gens, j’ai fait des petits boulots, j’ai entendu et absorbé des histoires de partout.

«Les arts martiaux m’ont donné la confiance
nécessaire pour écrire et gagner ma vie»

Nacogdoches, Texas, été 2019. DR L. Pion

Comment êtes-vous venu à l’écriture ?

Par la bande dessinée.

Quelles ont été vos influences dans la culture populaire (romans, nouvelles, comics, cinéma, télévision, musique…) ?

Toutes ces choses, y compris la peinture et les autres arts.

Les arts martiaux semblent aussi avoir eu beaucoup d’influence sur votre vie. En ont-ils eu d’une manière ou d’une autre sur vos écrits ?

Oui. Les deux sont axés sur la concentration, l’économie de mouvement et le développement d’un sentiment de confiance en soi. Je pense que les arts martiaux m’ont donné la confiance nécessaire pour écrire et gagner ma vie, et cela m’a bien servi au fil des ans.

Nacogdoches, Texas, été 2019. DR L. Pion

Ici, en France, on prête beaucoup attention au fait que vous soyez Texan. Vu d’ici, le Texas a une image qui fait fantasmer, qui évoque à la fois de grands espaces, mais aussi le conservatisme, le puritanisme et aussi le racisme. Autant de thèmes que vous évoquez d’ailleurs.

Mon coin du Texas n’est pas comme ça. Peu importe ce que j’écris dans mes livres, il y a toujours des gens qui croient que le Texas, c’est ça. C’est vrai qu’il y a des coins du Texas comme ça, mais chez moi c’est très boisé avec beaucoup d’eau et d’animaux sauvages, y compris des alligators. Notre coin du Texas ressemble beaucoup à la Louisiane. Oubliez les vastes plaines, les montagnes et les déserts. Il n’y a rien de tout ça ici, et la plupart du temps j’écris sur l’est du Texas. Je le décris soigneusement, mais ce mythe stupide ne disparaîtra pas.

C’est quoi, votre Texas à vous ?

Le Texas, c’est comme un pays.

Vous dites parfois que Hap Collins, c’est un peu vous. Vous pourriez préciser en quoi ? Et si Hap Collins, c’est un peu vous, y a-t-il aussi un peu de vous dans Leonard Pine ?

Hap me ressemble beaucoup, et Leonard et moi avons des choses en commun. Je mets aussi dans mes personnages des gens avec qui j’ai travaillé ou étudié les arts martiaux. Je peux être très influencé par certaines personnes, et moins par d’autres dans mes écrits. Le parcours de Hap, ses emplois, ses expériences des années 60 sont très proches de ma façon de penser. Hap et Leonard, bien sûr, ont des aventures plus rigolotes et ne vieillissent pas aussi vite que moi.

Puisqu’on parle de Hap et Leonard, pourriez-vous nous dire comment ils sont nés et ce qui fait que vous ne les quittiez plus depuis 30 ans, maintenant ?

En fait, je les quitte de temps en temps. Je l’ai fait une fois pendant huit ans, une autre fois pendant quatre ou cinq ans. Après quoi j’ai écrit beaucoup de romans et d’histoires de Hap et Leonard, ainsi qu’une série télévisée et même une bande dessinée. «Savage Season» (n.d.r. le premier roman de la série, paru en France sous le titre « Les mécanos de Vénus »), c’était l’idée d’un livre sur mon vécu des années 60, mes déceptions, mes joies et mon désir de ne pas perdre mon idéalisme. Je n’y suis pas arrivé, mais je vis avec. Je ne suis ni optimiste ni pessimiste. Je suis un réaliste blessé et plein d’espoir. Sceptique, mais jamais cynique. Je n’avais aucune intention d’écrire un deuxième livre qui d’ailleurs est sorti trois ans plus tard. Quand j’ai écrit le second, Hap a continué à me parler. Il a pris des vacances, mais il revient finalement et me raconte ce qui se passe dans leur vie.

«Je suis l’exemple du rêve américain.
C’est une chance, pas une promesse, mais c’est là.»

Illustration SIXO ( https://sixosantostattoo.tumblr.com/ ) / photo : Xavier Tschudi.

[/caption]Les romans de Hap et Leonard, sous couvert d’action et d’humour, ne sont-ils pas aussi une manière de parler des divisions et des tensions – racisme, sexisme, homophobie, pauvreté – qui habitent la société texane et, plus largement américaine ? Et aussi, en contrepoint de cela, des valeurs de solidarité, d’entraide, qui font aussi partie de cette société ?

J’aime l’Amérique, mais mon pays est imparfait, comme les gens qui y vivent. Les Etats-Unis s’ingénient au meilleur et trébuchent de temps en temps sur leurs propres pieds, mais c’est l’endroit qui me convient. Je suis l’exemple du rêve américain. C’est une chance, pas une promesse, mais c’est là.  Et il ne s’agit pas d’être riche. Il s’agit d’avoir une maison correcte, de la nourriture sur la table et un emploi sûr. Le problème c’est que la vie sera toujours plus accessible aux Blancs, même pour ceux qui comme moi sont issus de la pauvreté, qu’aux personnes de couleur et aux femmes. Bien que cela commence à changer un peu. Nous avons récemment élu comme Président un couillon avec le Q.I. d’une boîte de haricots verts, j’espère que cela changera. Bien que récupérer les dégâts qu’il a causés sera faire comme Hercule quand il nettoie les écuries d’Augias. Un travail de longue haleine.

Trois des romans qui mettent en scène Hap et Leonard ont été adaptés dans la série du même nom (Ndr, diffusée sur Sundance TV de 2016 à 2018. Hap est incarné par James Purefoy et Leonard par Michael K. Williams). Qu’avez-vous pensé de cette adaptation qui m’a paru plutôt fidèle ? En tout cas, le casting était parfait, non ?

J’ai adoré. J’aurais préféré que certaines choses soient plus conformes qu’elles ne le sont, mais la première saison est ma préférée car j’étais sur le plateau la plupart du temps. J’ai aimé la façon dont cela a été fait. J’ai eu mon mot à dire mais ils n’en tenaient pas toujours compte. C’est comme ça. Ils ne font pas toujours mieux, mais moi non plus. Ils font ce qu’ils peuvent. J’ai eu beaucoup de chance que les trois saisons soient si bonnes. La deuxième et la troisième saison traitent bien de certains problèmes mentionnés dans mes livres. La première saison était très proche du livre, et encore une fois, j’étais sur le plateau. J’ai écrit l’un des scénarios pour la deuxième saison.

Que l’on parle de Brett, la compagne de Hap, de la redoutable Vanilla Ride, de Sunset (Du sang dans la sciure – Sunset and Sawdust) ou encore de Sue Ellen, la jeune narratrice des Enfants de l’eau noire (A Fine Dark Line), on s’aperçoit très vite de l’importance dans votre œuvre de personnages féminins extrêmement forts. Pouvez-vous nous en parler ?

J’ai grandi avec des femmes fortes. Ma mère. Ma grand-mère. Ma femme et ma fille. Vous ne grandissez pas de cette façon sans apprendre quelque chose à leur sujet. J’admire les femmes fortes et j’essaie d’écrire sur elles. Elles ne sont pas toujours conventionnelles ou politiquement correctes, mais elles sont novatrices et généralement sûres d’elles. Je ne crois pas que «Freezer Burn» ou «Jane Goes North» soient publiés en France (Ndr, Freezer Burn a été traduit en France sous le titre Un froid d’enfer ; Jane Goes North, paru en 2020, n’a pas encore été traduit en France), mais ces deux livres traitent de personnages féminins. Je fais de mon mieux pour rendre les personnages féminins convaincants, comme les femmes qui écrivent font de leur mieux pour rendre les personnages masculins convaincants. C’est au lecteur de décider si nous nous débrouillons bien.

Delphine Bucher/Dernière Chance éditions

Je me trompe peut-être, mais j’ai l’impression que ce qui fait la force de vos personnages féminins, c’est que vous les abordez non pas comme des femmes mais, tout simplement, comme des personnages comme les autres, non ?

À peu près. Je pense que c’est vrai pour tout le monde. L’être humain varie selon son propre vécu, mais nous voulons tous plus ou moins la même chose.

On trouve aussi dans vos livres (d’Un froid d’enfer – Freezer Burn à Sur la ligne noire – A fine dark line, en passant par Les Marécages – The Bottoms) toute une galerie de freaks et de marginaux qui, parfois même, peuvent apparaître comme des créatures presque surnaturelles. Vous aimez entretenir cette ambiguïté, ce doute, cheminer sur cette frontière entre le réel et le surnaturel ?

Je ne crois pas au surnaturel, je suis athée, mais j’adore l’ambiguïté, l’idée de l’inconnaissable.

«Je ne suis pas un écrivain d’horreur, de crime ou de science-fiction,
je suis un écrivain qui écrit dans tous ces genres »

Je ne sais pas si c’est le fait que tous vos romans ne sont pas traduits ici, mais on a l’impression que vous avez peu à peu délaissé les récits d’horreurs comme The Drive-In ou Les enfants du rasoir (The Nightrunners). Est-ce seulement une impression ou est-ce un genre qui vous attire moins aujourd’hui ?

J’ai écrit beaucoup d’histoires d’horreur. En fait, je voulais d’abord être un écrivain de science-fiction et de fantaisie, puis j’ai commencé à écrire de la non-fiction et de la fiction policière. Mes premières ventes étaient des romans policiers. Ensuite je suis passé à l’horreur, j’ai commencé à écrire mes histoires, celles du « genre Lansdale ». Vous pouvez choisir un livre et lui attribuer une étiquette, mais parfois certains lecteurs lui donneront une étiquette différente. Je me fiche qu’une de mes histoires soit classée dans un genre ou bien dans un autre, mais pas ma carrière. Je ne suis pas un écrivain d’horreur, de crime ou de science-fiction, je suis un écrivain qui écrit dans tous ces genres et, plus souvent, des fictions mixtes.

Quand on regarde sur votre site la liste de vos écrits, on est impressionné par le nombre de projets que vous menez depuis des décennies et par la variété de vos travaux. Combien de temps passez-vous à écrire ?

Trois heures par jour, en général le matin. Je ne fais pas de plan, juste un premier jet, mais avec des corrections au fur et à mesure, puis je peaufine. Parfois, cela varie un peu, mais c’est à peu près ça.

Vous écrivez aussi beaucoup de nouvelles et de novellas ; c’est un type d’écriture qui vous plaît particulièrement ? Pourquoi ?

Je préfère écrire de la fiction courte. On peut écrire tellement d’histoires différentes plus rapidement qu’un roman, même si les nouvelles sont plus difficiles à faire. Est-ce Somerset Maugham qui a dit qu’un roman est un moyen facile d’écrire une histoire courte ? C’est vrai.

Vous semblez être un amateur de musique. Votre fille, Kasey, chante, d’ailleurs. La musique a-t-elle une influence sur votre écriture ?

Oui. Je n’en écoute pas pendant que j’écris. Ça me distrait. Mais il y a des périodes où j’en écoute beaucoup. Le rythme, les histoires que les bonnes chansons peuvent raconter, le rythme que ça peut donner à la prose, ça me plaît beaucoup. Mais pas quand je travaille sur mon ordinateur. J’ai écrit un roman de cette façon et j’ai dit «Plus jamais ça». C’était un roman sur Batman intitulé «Captured by the engines».

 
Vous avez aussi achevé un manuscrit d’Edgar Rice Burroughs (Tarzan, The Lost Adventure), scénarisé des comics mettant en scène Les Quatre Fantastiques, Conan, Batman ou encore le Lone Ranger.

Oui, et c’est amusant. J’aime Batman et Tarzan, tous ces personnages, mais je préfère les miens.

Qu’est-ce que cela fait à l’auteur et au passionné de cinéma de passer de l’autre côté du rideau ?

Si je continue à avoir de la chance comme j’en ai eu, ça fait du bien. Mais je crains que la chance finisse par tourner. Le fait est qu’on signe le contrat et on vous paie. En quelque sorte, on donne un certain contrôle sur son travail. On peut faire des suggestions mais c’est tout.

Oui, j’ai eu de la chance. J’avais l’intention de réaliser bientôt un film, mais le coronavirus a mis un terme à cela. Mon fils a écrit le scénario basé sur mon histoire, «The Projectionist». Il a un film qui sort en août, un western bizarre qu’il a co-écrit. J’ai un peu aidé à le produire. Certains acteurs viennent de la série télévisée « Hap and Leonard ». Peter Dinklage était censé faire un film de mon livre «The thicket» (Ndr, paru en 2013 aux Etats-Unis, non traduit en France) en avril, mais comme le virus a mis le holà, je ne sais pas si le film pourra se faire.

«Ecrire est bien plus satisfaisant pour moi que travailler pour le cinéma »

Elmore Leonard a dit à propos du travail de scénariste et des adaptations de ses livres : «J’ai arrêté d’écrire des scénarios [adaptations]. C’est trop de travail. Je ne considère pas l’écriture d’un roman comme du travail, parce que je ne pense qu’à me faire plaisir. Je passe un bon moment assis ici tout seul, à réfléchir à des situations et à des personnages, à les faire parler – c’est tellement satisfaisant. Mais l’écriture de scénario est différente. On pense qu’on écrit pour soi-même, mais il y a trop d’autres personnes à satisfaire ». Êtes-vous en accord avec lui ?

Il n’était pas d’accord avec lui-même. Il a fait quelques scénarios plus tard. J’ai trouvé une lettre de lui l’autre jour dans laquelle il exposait ses projets pour l’avenir. Il m’a donné librement cette information, et il a fait exactement ce qu’il avait prévu de faire. Mais écrire un roman est bien plus satisfaisant, je suis d’accord avec ça. Pour ma part je ferai probablement plus de travail cinématographique. Mais il est évident qu’écrire est bien plus satisfaisant pour moi que travailler pour le cinéma.

Et, plus largement, quel est votre rapport à ce type d’écriture d’une part, et à l’adaptation de vos histoires d’autre part ?

J’ai adapté les œuvres d’autres écrivains de bande dessinée, et je me sens toujours mal à l’aise avec ce travail. Même quand je colle à l’original. Je pense que quelque chose d’un écrivain devrait passer dans l’œuvre, mais si c’est une bonne histoire, on doit s’y tenir, autant que possible.  Mon travail se limitait aux scénarios que j’ai écrit, sauf les courts scénarios que j’ai faits pour l’animation, pour Batman et Superman. Je travaillais pour une équipe et j’ai essayé de leur donner ce qu’ils voulaient et d’y ajouter ma patte. J’ai eu le plus grand plaisir à travailler sur Batman, la série animée des années 90, pour ce qui était des scénarios. On vous donnait le pitch et c’était à vous de foncer. J’ai aussi fait un film d’animation intitulé «Son of Batman».

On a parlé il y a quelques années d’une adaptation des Marécages (The Bottoms), par Bill Paxton (Ndr, acteur, Aliens, Predator 2, Terminator… et réalisateur du film d’horreur, The emprise, et du biopic sur le golf, Un parcours de légende. C’était un projet très prometteur. Savez-vous où il en est aujourd’hui ?

Eh bien, Bill et moi en avons parlé peu de temps avant qu’il n’entre à l’hôpital. Il était censé commencer très vite. Après sa mort (Ndr, en février 2017), j’ai perdu tout intérêt pour ce projet pendant un moment. J’ai récupéré les droits, je les ai toujours. Peut-être plus tard.

En France, vous avez été publié par divers éditeurs, dans des collections différentes…  Ça n’a peut-être pas toujours aidé à faire connaître votre œuvre, mais ce côté un peu difficile à trouver parfois a certainement permis de créer un public de fans très fidèles et attentifs à votre travail. Vous voulez leur adresser un mot ?

Je voudrais vous remercier sincèrement. J’apprécie que vous me soyez fidèles, que vous suiviez mon travail. Et peut-être que nous aurons un suivi éditorial plus solide à l’avenir. Bien sûr, cela dépend des éditeurs français.

Interview : Yan Lespoux  – Encore du Noir.
Universitaire à Montpellier, Yann Lespoux anime depuis l’Aude, où il vit, le blog de critique littéraire Encore du noir, site de référence fort de plus de 1000 chroniques de livres, spécialisé dans le roman noir et plus particulièrement les auteurs américains. Il publiera son 1er recueil de nouvelles chez Agullo éditions en 2021. Contact : www.encoredunoir.com

Traduction :  Soleil Noir.

Eté 2020.

Dans le cadre du 23e Festival international du roman noir (FIRN) de Frontignan


Lucien Pion, Joe R. Lansdale, Karen Lansdale (son épouse). Nacogdoches. été 2019. DR L. Pion.jpg

Passionné de polars, Lucien Pion a créé les éditions L’Arbre à Bouteilles en 2019. Basé dans le Doubs, il réalise des sérigraphies s’inspirant de romans noirs mythiques contant l’envers du rêve américain, de Don Tracy à Dennis Lehane, de Harry Crews à Joe R Lansdale, dont il est fan absolu et qu’il a rencontré durant l’été 2019, chez lui, à Nacogdoches. L’exposition « Noir » est présentée à la médiathèque Montaigne durant le FIRN. Toutes les affiches sont en vente sur instagram larbre_a_bouteilles_editions, contact mail : larbreabouteilleseditions@gmail.com.

Delphine Bucher a créé en 2017 les éditions de la dernière chance entre Lyon et Montbéliard pour éditer son travail de passionnée de littérature américaine : linogravures de portraits d’auteurs (Hemingway, Brautigan, Bukowski, Carver, SaFranko), fanzines, chroniques de livres, affiches, badges… Son dernier road-trip littéraire (août 2018, Nord-Ouest USA), The last best place, a fait l’objet d’un fanzine et d’une expo à la fanzinothèque de Poitiers. Elle, qui aurait du être au FIRN 2020 pour un atelier, nous a confié quelques photos d’un précédent voyage au Texas (2014). Contact: www.leseditionsdeladernierechance.com


IN ENGLISH 

The origins

You are a Texan, and you have had a number of jobs before you started writing. By reading your books, we also see that your childhood holds an important place in your work. Could you tell us a bit about your childhood?

I was born and raised in East Texas. My parents were poor. Not scraping the bottom of the barrel, but we could see the bottom. We always thought of ourselves as broke, not poor, which is an Americanism for currently without funds. My father was for all practical purposes illiterate. My mother was a reader and loved books. I was captured by comic books when I was very young and tried to write and draw comics. My art was not so good, but I had a knack for storytelling, and I loved that. As I grew older, I worked field jobs, digging potatoes, working rose fields, and aht wasn’t about picking roses, it was about cultivating them and helping load them on trucks when they were dug. I wrote a few articles, started selling fiction, went full time in 1981. I was a house dad and my wife was a dispatcher at the Fire Department. The writing took off and she went to work for me, and we’ve worked together ever since. My last job was in 1981, outside of writing, of course.

You are considered a great storyteller. We can read your books aloud and feel like we’re sitting around a fireplace listening to a story. Is there a tradition of storytelling in your family?

There is. When I was growing up we would gather at my grandmothers, and after dinner, we would move outside to sit in chairs or on the grass near a tree and listen to stories being told. My father was a terrific story teller, but that was just about the only time he told stories, so while the other kids, my cousins, were chasing lightning bugs, I would sit and listen. My Grandmother told stories about having seen Buffalo Bill’s Wild West show when she was young, as she had been born in the 1880s. She told ghost stories and strange tales, all told for the truth, or told to her as the truth. I didn’t care if they were all true, or not. The Buffalo Bill one was true. She had gone from those days to seeing men land on the moon. My father was born in 1909. Twain was still alive. Bat Masterson, Annie Oakley, Wyatt Earp, and so on. He and my mother talked about the Great Depression, my Uncles about World War 2 that they had served in. It was great training. A mixture of true tales, legends, ghost and creep stories. My father, at least some, had ridden the rails in the Great Depression and boxed and wrestled in fairs for money, and fun. He worked all kinds of odd jobs until he became a mechanic. My mother bought him an old car and told him to take it apart and put it together till he could do it blindfolded. That’s how he learned to work on cars.  My brother is seventeen years older than me. I was surprise. My dad was in his forties when I was born, and I think my Mom was in her late thirties. I had a really good upbringing. I ran the woods and creeks and read and learned about boxing and wrestling, and later Martial Arts. I didn’t really click with it until I was my teens, but I started at eleven, and except for the virus throwing everything off, I still teach private classes. People I met, odd jobs I worked, I heard and absorbed stories from everywhere.

What brought you to start writing?

Comic books.

How have you been influenced by popular culture (novels, short stories, comic books, movies, television, music…)?

All of those things, including painting and all manner of art.

The martial arts also seem to have had a great influence on your life. Have they had any influence on your writing?

Yep. Both are about focus, economy of motion, and developing a sense of confidence in yourself. I think martial arts gave me the confidence to want to write for a living, and it’s served me well over the years.

From here in France, we fantasize on an image of a Texas that evokes both wide open spaces and also the ideology of conservatism, puritanism and racism, such are the themes that you often evoke in your work.

 My part of Texas isn’t like that. No matter what I write in my books, I always find people still want to believe that is the whole of Texas. There are parts of Texas like that, but my part is heavily wooded and has lots of water and wildlife, including alligators, etc. Our part of Texas looks a lot like Louisanna. Forget the wide open plains and mountains and deserts. None of that is here, and most of the time I write about East Texas. I describe it carefully, but that stupid myth won’t go away.

What does Texas bring to your mind?

Texas is like a country.

Hap and Leonard

Sometimes you say that Hap Collins is a bit like you. Can you be more specific? And if Hap Collins is a bit like you, is there a bit of you in Leonard Pine, also?

 Hap is very much like me, and Leonard and I share elements of one another. I also incorporate people I worked with or studied martial arts with, and sometimes very specific influences from certain people, and minor influences in other cases. Hap’s background, his jobs, his experiences in the sixties are very close to mind. Hap and Leonard, of course, have cooler adventures and they don’t age as fast as I do.

Could you tell us how Hap and Leonard were born and why you haven’t left them for 30 years?

Well, I do leave them from time to time. One time for eight years, another time for four or five years, then a splurge of Hap and Leonard novels and stories, as well as the TV series and even a comic.  Savage Season was my idea of writing a book about how sixties experiences had affected me, the disappointment, and the joys of the experience, and the desire to not lose my idealism. I haven’t,but it’s tempered. I’m neither optimistic or pessimistic. I’m a wounded and hopeful realist. Skeptical, but never cynical. I had no intention of writing a second book. They were about three years apart. When I wrote the second though, Hap kept speaking to me. He took some vacations, but he eventually comes back and tells me what’s going on in their lives.

 Aren’t Hap and Leonard’s novels, under the guise of action and humor, is also a way of talking about the divisions and tensions – racism, sexism, homophobia, poverty – that exist in Texas and, more broadly in American society? And in marked contrast, to the values of solidarity and mutual aid, which are also part of the American society?

I love America. But it is flawed, like people are. It strives for the best and trips over its own feet from time to time, but this is the place for me. I’m a recipient of the American Dream. It’s an opportunity, not a promise, but it’s there. And it’s not about being rich. It’s about having an affordable home, food on the table, and a solid job. The problem is it’s more available to white people, even ones like me that came from poverty. Less so for people of color and women, though that’s changing. We have a giant orange turd for a president lately with the I.Q. of a can of green beans, but I’m hopeful that will change, though shoveling out the damage he’s done will be like Hercules shoveling out the stables as part of his twelve labors. A big job. And busy.

Three of the novels featuring Hap and Leonard have been adapted into TV series. What did you think of the adaptation?

Which seemed to be rather accurate.  In any case, the casting also seemed appropriate?I loved it. I would have prefered some things to be closer than they were, but the first season is my favorite because I was on the set most of the time. I loved how it was done. I got my say and they got to ignore me. Has to be that way. They don’t always know better, but neither do I. They do what they can and I was damn fortunate for the three seasons to be so good. Second and third season spoke to certain issues that were in the books well, but the first season was so close to the book, and again, I was on the set. I wrote one of the scripts in the second season.

Whether we’re talking about Brett, Hap’s girlfriend, the dreaded Vanilla Ride, Sunset (Sunset and Sawdust) or Sue Ellen, the young narrator of A Fine Dark Line, we quickly realize the importance of extremely strong female characters in your work. Can you tell us more about them?

I grew up with strong women. My mother. My grandmother. My wife and my daughter. You don’t grow up that way and not learn something about them. I admire strong women, and try to write about them. They’re not always conventional or politically correct, but they are progressive and mostly confident. I don’t think the books Freezer Burn or  Jane Goes North are in France, but they are both books about female characters. I do the best I can to make the characters convincing, as women do the best they can to make male characters convincing. It’s up to the reader to decide if we manage.

I may be wrong, but I have the impression that what makes your female characters strong is that you approach them not as women, but simply as characters like any other, don’t you?

Pretty much so. I think that’s true of everyone. Humans vary someone in experience and background, but we mostly want the same thigns.

At the edge of reality

Your books (from « Freezer Burn » to « A Fine Dark Lane » by the way of « The Bottoms ») also contain a whole gallery of freaks and drop-outs who, at times, can even appear as almost supernatural creatures. Do you like to maintain this ambiguity, this doubt, walking the line between reality and the supernatural?

 I do. I don’t believe in the supernatural, and I’m an atheist. But I love the idea of not knowing, the ambiguity.

I don’t know if it’s the fact that not all your novels are translated here in France, but we get the impression that you’ve gradually abandoned horror stories like The Drive-In or The Nightrunners. Is this just an impression or is it a genre that attracts you less nowadays?

 I have written a lot of horror stories, but I’ve never written one. I actually wanted to be a science fiction and fantasy writer first, but then I started writing some non-fiction, and moved to crime fiction. My first sales were crime fiction. I switched to horror, and then I began to write MY STORIES, those in the Lansdale genre. You can point at a book and give it a tag, but sometimes different readers give it a different tag. I don’t care if a story of mine gets branded as one thing or another, but not my career. I’m not a horror or crime or science fiction writer, but I’m a writer that writes all those things, and more frequently, blended fiction.

About writing and publishing

When we look at the list of your works on your website, we are impressed by the number of projects you have been carrying out over the decades and by their variety. How much time do you spend writing?

Three hours a day generally. In the morning. No outlines. One draft, but with corrections as I go, and then a polish. Sometimes it varies a little, but that’s it mostly.

You also write a lot of short stories and novellas; is this a type of writing that you particularly enjoy? Why is that?

I prefer writing short fiction. You have an opportunity to write so many different kinds of stories more quickly than a novel, though short stories are harder to do. Was it Somerset Maugham that said a novel is an easy way to write a short story? It’s true.

You seem to be a music lover. By the way, your daughter Kasey sings. Does music influence your writing?

 It does. I don’t listen to it while I’m writing. It distracts me, but I go through periods where I listen to it a lot. The rhythm, the stories good songs can tell, the beat it can give to the prose, it matters a lot to me. Just not while I’m actually at the keyboard. I wrote one novel that way, and I said never again. It was a Batman novel titled CAPTURED BY THE ENGINES.

You have also completed a manuscript by Edgar Rice Burroughs (« Tarzan, The Lost Adventure »), you have also written screenplays for comic books featuring: The Fantastic Four, Conan, Batman and the Lone Ranger. 

I have, and it’s fun, and I love Batman and Tarzan, all those characters, but I love my own characters best.

What does it feel like for an author and the pop-culture enthusiast that you seem to be, to see your work adapted as movies ?

If I keep being lucky as I have been, it feels good. But I’m sure a heavy shoe will drop eventually. Thing is, you sign the contract and they pay you the money, you’ve sort of given a certain control away. You can suggest but it is what it is. Again, I’ve been lucky. I have plans to direct a film soon, but Virus put a quit on that. My son wrote the screenplay based on my story The Projectionist. He has a film coming out in August, a weird Western he co-wrote. I helped produce it a little. Some of the cast are from the Hap and Leonard TV show. Peter Dinklage was supposed to shoot my book THE THICKET in April, but the virus put the squash on that. I don’t know what it’s future fate will be.

Cinema

 I found the above two quotes from Elmore Leonard concerning his work as a screenwriter and adaptations of his books. Do you agree with him?

 “I’ve quit writing screenplay [adaptations]. It’s too much work. I don’t look at writing a novel as work, because I only have to please myself. I have a good time sitting here by myself, thinking up situations and characters, getting them to talk – it’s so satisfying. But screenwriting’s different. You might think you’re writing for yourself, but there are too many other people to please.”

 »I do everything in my power to make my writing not look like writing, and when it appears on the screen you see all these actors acting all over the place. »  (Elmore Leonard).

Joe R. Lansdale :

He didn’t agree with himself. He did some later scripts. I found a letter from him the other day and in it he was outlining his plans for the future. He offered that information to me freely, and he did exactly what he planned to do. But, writing prose is so much more satisfying, so I agree with that, but I probably will do more film work. It comes down to it, prose is so much more satisfying and in depth than film for me.

What is your relationship with this type of writing on the one hand and with the adaptation of your stories on the other hand?

I’ve adapted other writers’ works to comics, and I always feel like a bastard doing it. Even when I try to do it close to the original. I think a writer’s flavor should come into the work, but if it’s a good story, keep as much as is reasonable of it. Scripts I did, except for one, were all my work except the short scripts I did for animation, for Batman and Superman. I was working in someone else’s sandbox, and I tried to give them what they wanted, and do my thing too. I had the most fun working on Batman the Animated Series from the 90s when it comes to scripts. They would give you the thrust of the story, and away you’d go. I also did an animated film, SON OF BATMAN.

A few years ago, you said that an adaptation of « The Bottoms » by Bill Paxton was planned. It seemed to be a very interesting project.  What is the situation today?

Well, Bill and I talked shortly before he went into the hospital. It was supposed to start post pretty damn quick. After his death I lost interest for a bit, and I got the rights back, and I still have them. Maybe at a later date.

Subsidiary question

In France, you have been published by various editors, in different collections… This may not always have helped to promote your work, but the fact that your books are therefore sometimes a bit difficult to locate has certainly helped to create an audience of fans who are very attentive and loyal to your work. Would you like to say a word to your fans?

I would sincerely like to say thank you. I appreciate you sticking with me, searching me out, and maybe we’ll have a more solid publishing plan in the future. Of course, that’s up to French Publishers.

Interview : Yan Lespoux  – Encore du Noir. Translation :  Soleil Noir – Summer  2020.